Lorsqu’en 1948, George Orwell écrit 1984, il s’inspire directement de ce qu’il a pu voir à l’oeuvre, de fraîche date, dans les régimes totalitaires, tant de droite que de gauche. Russie soviétique, Allemagne nazie et Italie fasciste entrent à des titres divers comme matériau et source d’inspiration pour l’élaboration de cette fiction qui en tire la quintessence totalitaire. Il y a donc pour le lecteur contemporain d’Orwell une sorte d’intérêt à la lecture de ce roman, lié aux développements récents de la géopolitique et de l’Histoire. Le lecteur de l’après-guerre peut, à bon droit, aborder cette oeuvre sous l’angle du “cauchemar auquel nous avons échappé”.
Il en va légèrement différemment de nos jours, et les raisons que nous avons de lire aujourd’hui le roman ne sont plus tout à fait les même que celles qui ont valu par le passé. Acquérant une seconde jeunesse, le texte d’Orwell se rapproche de façon frappante de notre monde quotidien, à moins que ce ne soit lui qui en vienne à coller de manière de plus en plus évidente à cette dystopie paroxystique : Surveillance de la population, police du langage, police de la pensée, réécriture du passé, état de guerre permanent, adhésion aux dogmes et aux vérités officielles, j’en passe et des meilleures, des vertes et des pas mûres, 1984 possède de plus en plus, pour nous, l’aspect d’une réelle prophétie. C’est à tout le moins un miroir grossissant qui nous ouvre les yeux sur le monde tel qu’il va. Il faut lire 1984, et il faut le lire maintenant.