Par THE FIRST MILLENNIUM REVISIONIST 

Source: unz.com, le 19/07/2020 

Le coup grégorien et le vol du droit de naissance

Il s’agit du deuxième de trois articles attirant l’attention sur les problèmes structurels majeurs de notre histoire de l’Europe au premier millénaire de notre ère. Dans le premier article ( « Jusqu’à où l’Antiquité romaine est-elle faussée ? » ), nous avons soutenu que la falsification de livres anciens à la Renaissance était plus répandue qu’on ne le reconnaît généralement, de sorte que ce que nous pensons savoir sur l’Empire romain – y compris les événements et les individus d’importance centrale — repose sur des sources douteuses. (Nous n’avons pas affirmé que toutes les sources écrites sur l’Empire romain sont fausses.)

Nous avons également soutenu que la perspective traditionnelle du premier millénaire est faussée par un fort parti pris en faveur de Rome, au détriment de Constantinople. La représentation commune de l’Empire byzantin comme la phase finale de l’Empire romain, dont la capitale avait été transférée du Latium au Bosphore, est aujourd’hui reconnue comme une falsification. Politiquement, culturellement, linguistiquement et religieusement, Byzance ne doit rien à Rome. “Estimant que leur propre culture était largement supérieure à celle de Rome, les Grecs n’étaient guère réceptifs à l’influence de la civilisation romaine”, affirme un récent Atlas de l’Empire Romain, ne mentionnant que les combats de gladiateurs comme une dette possible, mais marginale.[1]

L’hypothèse selon laquelle la civilisation occidentale est née à Rome, en Italie, repose en partie sur une mauvaise compréhension du mot «romain». Ce que nous appelons aujourd’hui « l’Empire byzantin » (un terme qui n’est devenu usuel qu’au XVIe siècle) s’appelait alors Basileía tôn Rhômaíôn (le royaume des Romains), et pendant la majeure partie du premier millénaire, « romain » signifiait simplement ce que nous comprenons aujourd’hui comme “byzantin”.

Notre perception de Rome comme origine et centre de la civilisation occidentale est également liée à notre assurance que le latin est la mère de toutes les langues romanes. Mais cette filiation, devenue un dogme au milieu du XIXe siècle,[2]est durement attaqué (merci aux commentateurs qui nous ont orientés vers ce documentaire et celui-là , vers le livre d’Yves Cortez Le Français ne vient pas du latin, et vers l’oeuvre de Mario Alinei). Il semble que Dante ait eu raison lorsqu’il a supposé dans De vulgari eloquentia (vers 1303), le premier traité sur le sujet, que le latin était une langue artificielle et synthétique créée « par le consentement commun de nombreux peuples » à des fins écrites.[3]

Les distorsions qui ont produit notre histoire scolaire du premier millénaire ont une dimension à la fois géographique et chronologique. La distorsion géographique fait partie de cet eurocentrisme qui est maintenant contesté par des chercheurs comme James Morris Blaut ( The Colonizer’s Model of the World, Guilford Press, 1993), John M. Hobson ( The Eastern Origins of Western Civilization, Cambridge UP, 2004) , ou Jack Goody ( Le vol de l’histoire, Cambridge UP, 2012). La distorsion chronologique, en revanche, n’est pas encore un problème dans le milieu universitaire traditionnel : les historiens ne remettent tout simplement pas en question l’épine dorsale chronologique du premier millénaire. Ils ne se demandent même pas quand, comment et par qui il a été créé.

Jusqu’à présent, nous avons formulé l’hypothèse de travail selon laquelle l’Empire romain d’Occident est, dans une certaine mesure, un double fantôme de l’Empire romain d’Orient, conjuré par Rome afin de voler le droit d’aînesse à Constantinople, tout en dissimulant sa dette envers la civilisation qu’il comploté pour assassiner. L’empire romain, en d’autres termes, était un rêve plutôt qu’un souvenir, exactement comme l’empire de Salomon. Mais, objectera-t-on aussitôt, alors que les archéologues n’ont trouvé aucune trace de l’empire de Salomon, les vestiges de l’empire d’Auguste abondent. Certes, mais ces vestiges sont-ils vraiment de l’Antiquité, et si oui, pourquoi les vestiges médiévaux sont-ils introuvables à Rome ? Si Rome était le cœur battant de la chrétienté occidentale médiévale, elle aurait dû être occupée à construire, pas seulement à restaurer.

La Commune de Rome est fondée en 1144 en tant que République avec un consul et un sénat, dans le sillage d’autres villes italiennes (Pise en 1085, Milan en 1097, Gene en 1099, Florence en 1100). Elle se définissait par l’expression senatus populusque romanus (« le Sénat et le peuple romain »), condensée dans l’acronyme SPQR. À partir de 1184 et jusqu’au début du XVIe siècle, la ville de Rome a frappé des pièces avec ces lettres. Mais, nous dit-on, SPQR était déjà la marque de la première République romaine fondée en 509 av. J.-C. et, plus incroyable encore, elle a été préservée par les empereurs, qui n’ont apparemment pas hésité à être ainsi ignorés en n’apparaissant pas sur ces pièces. Aussi scandaleux que cela puisse paraître, on ne peut pas facilement écarter le soupçon que l’ancienne République romaine, connue de nous grâce à la reconstitution par Pétrarque du livre de Tite-Live : Histoire de Rome,[4] est un portrait imaginatif de la fin de la Rome médiévale en tenue antique. Pétrarque faisait partie d’un cercle de propagandistes italiens qui célébraient la gloire passée de Rome. “Ses intentions”, écrit le médiéviste français Jacques Heers, “étaient délibérément politiques, et sa démarche s’inscrivait dans un véritable combat”. Il fut « l’un des écrivains les plus virulents de son temps, engagé dans une grande querelle contre la papauté d’Avignon, et cet acharnement dans la lutte détermina ses options culturelles autant que politiques ».[5]

Dans le premier article, nous avons interrogé l’objectivité et même la probité de ces humanistes qui prétendaient ressusciter la splendeur longtemps oubliée de la Rome républicaine et impériale. Dans ce deuxième article, nous tournons notre attention vers les historiens ecclésiastiques des temps anciens, qui ont façonné notre vision de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge. Leur histoire de l’Église chrétienne, peuplée de saints thaumaturges et d’hérétiques diaboliques, est difficile à relier à l’histoire politique, et les historiens laïques spécialisés dans l’Antiquité tardive laissent généralement volontiers le champ aux « historiens de l’Église » et aux maîtres de la foi. C’est dommage, car la crédibilité de cette littérature est largement restée incontestée.

La fabrique pontificale de faux

“On peut dire que la caractéristique la plus distinctive de la littérature chrétienne primitive est le degré auquel elle a été forgée.” Ainsi commence le livre de Bert Ehrman: Forgery and Counterforgery: The Use of Literary Deceit in Early Christian Polemics. Tout au long des quatre premiers siècles de notre ère, dit-il, la contrefaçon était la règle dans la littérature chrétienne et la paternité authentique l’exception. La contrefaçon était si systémique que les contrefaçons donnaient lieu à des contrefaçons, c’est-à-dire des contrefaçons “utilisées pour contrer les opinions d’autres contrefaçons”.[6] Si le faux fait partie de l’ADN du christianisme, on peut s’attendre à ce qu’il perdure tout au long du Moyen Âge.

L’une des contrefaçons médiévales les plus célèbres est la “Donation de Constantin”. Par ce document, l’empereur Constantin est censé avoir transféré sa propre autorité sur les régions occidentales de l’Empire au pape Sylvestre. Ce faux d’une audace outrancière est la pièce maîtresse de toute une collection d’une centaine de faux décrets et actes de synodes, attribués aux premiers papes ou autres dignitaires de l’Église, et connus aujourd’hui sous le nom de Décrétales pseudo-isidoriens . Leur but était d’établir des précédents pour l’exercice de l’autorité souveraine des papes sur l’Église universelle, ainsi que sur les rois et les empereurs.

Ces documents ne furent utilisés qu’au milieu du XIe siècle, et ce n’est qu’au XIIe siècle qu’ils furent incorporés par Gratien dans son Decretum, qui est devenu la base de tout le droit canonique. Pourtant, le consensus scientifique est qu’ils remontent à l’époque de Charlemagne. Pour cette raison, Horst Fuhrmann, spécialiste des faux médiévaux, les classe dans la catégorie des « faux à caractère anticipatoire », qui « ont la particularité qu’à l’époque où ils ont été écrits, ils n’avaient guère d’effet ». Selon lui, ces faux devaient attendre, selon les cas, entre 250 et 550 ans avant d’être utilisés. Heribert Illig proteste à juste titre contre cette théorie des faux prétendument écrite par des clercs qui n’en avaient pas l’usage immédiat et ne savaient pas à quoi pourraient servir leurs faux quelques siècles plus tard. Les contrefaçons sont produites pour servir un projet, et elles sont fabriquées à la demande en cas de besoin. La Donation de Constantin et autres fausses Décrétales sont donc très probablement de purs produits de la réforme grégorienne. Leur « caractère anticipatif » est une illusion créée par l’une des distorsions chronologiques que nous avons entrepris de corriger.[7]

La donation de l'empereur Constantin au pape Sylvestre illustrée
La donation de l’empereur Constantin au pape Sylvestre

La réforme grégorienne, commencée avec l’avènement du pape Léon IX en 1049, s’inscrit dans la continuité du renouveau monastique lancé par la puissante abbaye bénédictine de Cluny qui, un siècle après sa fondation en 910, avait développé un réseau de plus d’un millier de monastères. à travers l’Europe.[8] La réforme grégorienne peut être conçue comme un coup d’État monacal sur l’Europe, au sens où des moines célibataires, qui vivaient autrefois en marge de la société, en ont progressivement pris la direction.

Il convient d’insister sur le caractère révolutionnaire de la réforme grégorienne. Ce fut, écrivait Marc Bloch dans Feudal Society ,« un mouvement extraordinairement puissant duquel on peut dater, sans exagération, la formation définitive du christianisme latin ».[9] Plus récemment, Robert I. Moore a écrit dans The First European Revolution, c. 970-1215: “La ‘réforme’ qui s’incarnait dans le programme grégorien n’était rien de moins qu’un projet de diviser le monde, à la fois des personnes et des biens, en deux domaines distincts et autonomes, non géographiquement mais socialement.” La réforme triompha au Quatrième Concile du Latran convoqué par Innocent III en 1215. Le monde créé par le Latran IV était “un monde entièrement différent – un monde imprégné et de plus en plus façonné par la piété et l’obéissance bien entraînées, associées à la vision traditionnelle de ‘l’âge de la foi’, essence du christianisme médiéval. Pourtant, en un sens, Latran IV n’était qu’un début : en 1234, le cousin d’Innocent III, Grégoire IX, institua l’Inquisition, mais la grande période de la chasse aux sorcières — la dernière bataille contre le paganisme — était encore à deux siècles.[10]

Dans son livre Law and Revolution, the Formation of the Western Legal Tradition (Harvard UP, 1983), Harold Berman insiste également sur le caractère révolutionnaire de la réforme grégorienne, par laquelle « le clergé est devenu la première classe translocale, transtribale, transféodale, transnationale en Europe à réaliser l’unité politique et juridique ». « Parler de changement révolutionnaire au sein de l’Église de Rome, c’est, bien sûr, remettre en question l’opinion orthodoxe (mais pas l’orthodoxie orientale) selon laquelle la structure de l’Église catholique romaine est le résultat d’une élaboration progressive d’éléments qui étaient présents depuis des temps très anciens. C’était, en effet, la vision officielle des réformateurs catholiques de la fin du XIe et du début du XIIe siècle : ils ne faisaient que revenir, disaient-ils, à une tradition antérieure qui avait été trahie par leurs prédécesseurs immédiats.[11] En d’autres termes, les réformateurs ont établi un nouvel ordre mondial sous prétexte de restaurer un ancien ordre mondial. Ils ont créé un nouveau passé afin de contrôler l’avenir.

Pour cela, ils ont employé une armée de légistes qui ont élaboré un nouveau système juridique canonique pour remplacer les lois féodales coutumières, et ont fait apparaître leur nouveau système juridique comme le plus ancien en produisant des contrefaçons à grande échelle. Outre les Décrets Pseudo-Isidoriens et la fausse Donation de Constantin, ils ont fabriqué les faux Symmachien, destinés à produire des précédents juridiques pour immuniser le pape contre les critiques. L’un de ces documents, le Silvestri constitutum, contient la légende du pape Sylvestre 1er guérissant Constantin le Grand de la lèpre avec les eaux du baptême et recevant en remerciement les insignes impériaux de Constantin et la ville de Rome. Le père de Charlemagne a également été amené à contribuer à la fausse Donation de Pépin. Il est maintenant admis que la grande majorité des documents juridiques supposément établis avant le IXe siècle sont des faux cléricaux. Selon l’historien français Laurent Morelle, “les deux tiers des actes intitulés au nom des rois mérovingiens (481-751) ont été identifiés comme faux ou falsifiés”.[12] Il est fort probable que la proportion réelle soit beaucoup plus élevée, et que de nombreux documents encore réputés authentiques soient des faux : par exemple, nous estimons que le libellé de la charte de fondation de l’abbaye de Cluny, par laquelle son fondateur Guillaume Ier (le Pieux) a renoncé à tout contrôle sur elle, ne peut pas avoir été dictée ou approuvée par un duc médiéval d’Aquitaine (presque un roi).[13]

Ces faux documents ont servi les papes sur plusieurs fronts. Ils ont été utilisés dans leur lutte pour le pouvoir contre les empereurs allemands, en soutenant leur affirmation extravagante selon laquelle le pape pouvait déposer les empereurs. Ils étaient également des armes puissantes dans la guerre géopolitique menée contre l’église et l’empire byzantins. En conférant à la papauté « la suprématie sur les quatre sièges principaux, Alexandrie, Antioche, Jérusalem et Constantinople, ainsi que sur toutes les églises de Dieu sur toute la terre », la fausse Donation de Constantin justifiait la prétention de Rome à la préséance sur Constantinople, ce qui conduisit au Grand Schisme de 1054 et finalement au sac de Constantinople par les Latins en 1205. Par une ironie cruelle, le caractère fallacieux de la Donation de Constantin fut exposé en 1430, après qu’elle eut atteint son objectif. A cette date, l’Empire d’Orient avait perdu tous ses territoires et était réduit à une cité dépeuplée assiégée par les Ottomans.

Il est peu connu, mais d’une grande importance pour comprendre l’époque médiévale, lorsque l’ethnicité jouait un rôle majeur en politique, que les réformateurs grégoriens étaient des Francs, avant même que Bruno d’Egisheim-Dagsburg ne donne la première impulsion en tant que pape Léon IX. C’est pourquoi le théologien orthodoxe John Romanides reproche aux Francs d’avoir détruit l’unité de la chrétienté avec des motivations ethniques et géopolitiques.[14] Dans les chroniques byzantines, « latin » et « franc » sont synonymes.

La fausse autobiographie de l’Église latine

Il devrait maintenant être clair que le concept même de « réforme » grégorienne est un déguisement du caractère révolutionnaire du projet des réformateurs ; « l’idée que les grégoriens étaient des traditionalistes rigoureux est une sérieuse simplification excessive », soutiennent John Meyendorff et Aristeides Papadakis ; “la conclusion conventionnelle qui considère les Grégoriens comme les défenseurs d’une tradition uniforme est en grande partie de la fiction.” En fait, avant le XIIe siècle, « la fragile emprise du pape sur la chrétienté occidentale était largement imaginaire. Le monde paroissial de la politique romaine était en fait le seul domaine de la papauté.[15] Aviad Kleinberg soutient même que, “jusqu’au XIIe siècle, lorsque le statut du pape a été imposé comme l’autorité religieuse ultime en matière d’éducation et de juridiction, il n’y avait pas vraiment d’organisation qui pourrait être appelée” l’Église “.”[16] Il n’y a certainement pas eu de « papes » au sens moderne avant la fin du VIIIe siècle : ce titre affectueux, dérivé du grec papa, était donné à chaque évêque. Même l’histoire conventionnelle parle de la période de la « papauté byzantine », se terminant en 752 avec la conquête de l’Italie par les Francs, et enseigne que les affaires civiles, militaires et même ecclésiastiques étaient alors sous la tutelle de l’exarque de Ravenne, le représentant grec de l’empereur byzantin.[17]

Cela signifie que l’histoire du premier millénaire de l’Église d’Occident écrite par elle-même est une imposture complète. L’une de ses pièces maîtresses, le Liber Pontificalis, livre de biographies des papes de saint Pierre au IXe siècle, est aujourd’hui reconnu comme une œuvre d’imagination. Il a servi à vérifier la prétention du pape à occuper le « trône de saint Pierre » dans une chaîne ininterrompue remontant au premier apôtre — le « roc » sur lequel Jésus a bâti son royaume (Matthieu 16,18).

Selon l’histoire, dans la deuxième année de Claude, Pierre se rendit à Rome pour défier Simon Magus, le père de toutes les sectes hérétiques. Il est devenu le premier évêque catholique et a été crucifié la tête en bas dans la dernière année de Néron, puis enterré à l’emplacement actuel de la basilique Saint-Pierre (ses ossements y ont été retrouvés en 1968). Cette histoire apparaît dans les œuvres de Clément de Rome, le compagnon de voyage fictif et successeur de Pierre, dont la littérature prolifique en latin contient tant d’invraisemblances, de contradictions et d’anachronismes que la plupart d’entre elles sont aujourd’hui reconnues comme apocryphes et rebaptisées “pseudo-clémentines”. L’histoire de Pierre est aussi le thème des Acta Petri, soi-disant écrit en grec au IIe siècle mais n’ayant survécu qu’en traduction latine. Il est également raconté par Irénée de Lyon (vers 130-202 après JC), un autre auteur censé écrire en grec mais connu uniquement par des traductions latines défectueuses.

Il n’y a aucune raison de considérer cette histoire comme une histoire fiable. C’est de la propagande évidente. De plus, cela est incompatible avec le Nouveau Testament, qui ne dit rien du voyage de Pierre à Rome et suppose qu’il est simplement resté à la tête de l’église de Jérusalem. La légende de saint Pierre à Rome ne nous dit rien des événements réels, mais nous renseigne sur les moyens déployés par la curie romaine pour voler le droit d’aînesse à l’Église d’Orient. C’est de la fausse monnaie frappée pour surenchérir sur la véritable affirmation de Constantinople selon laquelle l’unité de l’Église s’était réalisée dans son voisinage immédiat, lors des conciles dits « œcuméniques » ( Oikouménê désignait le monde civilisé sous l’autorité du basileus ), dont les participants étaient exclusivement orientaux.

Bien que nous ne puissions pas nous plonger ici dans l’histoire éditoriale du Nouveau Testament, il est intéressant de noter que le récit du voyage de Paul à Rome porte également la marque de la falsification. Si nous nous souvenons que les Byzantins s’appelaient eux-mêmes « Romains », nous sommes intrigués par le fait que, dans son « Épître aux Romains » (écrite en grec), Paul appelle les Romains « Grecs » pour les distinguer des Juifs (1,14 -15 ; 3,9). De plus, si nous cherchons sur une carte les villes auxquelles Paul s’est adressé dans d’autres épîtres — Éphèse, Corinthe, Galata, Philippee, Thessalonique (Salonique), Colosses — nous voyons que la Rome italienne ne faisait pas partie de sa sphère d’influence. Le voyage de Paul à Rome en Italie dans Actes 27-28 (où l’Italie est explicitement nommée) appartient à la section «nous» des Actes, qui est manifestement étrangère à la première rédaction.

Notre principale source pour l’histoire ancienne de l’Église est l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe en dix volumes. Comme tant d’autres sources, il était censé être écrit en grec, mais n’était connu au Moyen Âge qu’en traduction latine (à partir de laquelle il a ensuite été retraduit en grec). Sa traduction latine a été attribuée au grand saint et érudit Jérôme (Hieronymus)Saint Jérôme a également produit, à la demande du pape Damase, la Bible latine dite Vulgate , qui sera décrétée seule version autorisée au Concile de Trente au milieu du XVIe siècle.

Eusèbe est notre principale source sur la conversion de Constantin au christianisme. Deux panégyriques de Constantin ont été conservés, et ils ne font aucune mention du christianisme. Au lieu de cela, l’un contient l’histoire d’une vision que Constantin a eue du dieu solaire Apollon, “avec la Victoire l’accompagnant”. Dès lors, Constantin se plaça sous la protection de Sol invictus, également appelé Sol pacator sur certaines de ses monnaies.[18] Ce qu’Eusèbe écrit dans sa Vie de Constantin à propos de la bataille du Pont Milvius est évidemment une réécriture de cette légende païenne antérieure. En marchant sur Rome pour renverser Maxence, Constantin “a vu de ses propres yeux dans les cieux un trophée de la croix s’élever de la lumière du soleil, portant le message, ‘par ce signe, vous gagnerez’.” La nuit suivante, le Christ lui apparut dans son rêve pour confirmer la vision. Constantin a demandé à toutes ses troupes de peindre le signe sur leurs boucliers et a remporté la bataille. Eusèbe décrit le signe comme les lettres grecques Chi et Rho superposées, et nous dit qu’il représente les deux premières lettres de Christos. Ce Chi-Rho Le signe se retrouve dans une grande variété de mosaïques et de reliefs jusqu’à l’époque de Justinien, et il est particulièrement courant dans la région pyrénéenne, souvent avec l’ajout d’un sigma, comme documenté dans cette monographie .[19] Certains émettent l’hypothèse qu’il portait à l’époque païenne le sens pax . Que ce soit le cas ou non, rien ne prouve que le Chi-Rho était d’origine chrétienne.

Qu'est-ce que Chi-Rho a à voir avec le Christ ?

Qu’est-ce que Chi-Rho a à voir avec le Christ ?

J’espère avoir montré qu’il y a amplement matière à scepticisme radical à l’égard de l’autobiographie de l’Église romaine. Ce ne sont pas seulement les documents juridiques qui ont été falsifiés. Tout le récit sous-jacent pourrait être faux. À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, un homme, le bibliothécaire jésuite Jean Hardouin (1646-1729), a passé sa vie à rechercher et à remettre en question l’histoire de l’Église, jusqu’à ce qu’il parvienne à la conclusion d’une fraude massive originaire des monastères bénédictins au XIIIe siècle. Ses conclusions ont été publiées à titre posthume dans Ad Censuram Veterum Scriptorum Prolegomena (1766). Selon Hardouin, toutes les œuvres attribuées à Augustin, Jérôme, Ambroise de Milan et Grégoire le Grand ont en fait été écrites quelques décennies seulement avant que le rusé Boniface VIII (1294-1303) ne les promeuve comme les «Pères latins de l’Église». L’histoire d’Eusèbe traduite par Jérôme est un tissu de fiction selon Hardouin.

Les Prolégomènes de Jean Hardouin ont été traduits en anglais au XIXe siècle par Edwin Johnson (1842-1901), qui a développé les idées de Hardouin dans ses propres œuvres, en commençant par The Rise of Christendom (1890), suivi un an plus tard par The Rise of English culture. Johnson a plaidé pour une origine médiévale de la plupart des sources littéraires attribuées à l’Antiquité ou à l’Antiquité tardive, et a insisté sur le fait que toute l’histoire du premier millénaire de l’Église romaine avait été fabriquée par la curie romaine dans ses efforts pour imposer son nouvel ordre mondial.

L’origine médiévale de ces textes, dit Johnson, explique pourquoi leurs auteurs supposés combattent des hérésies qui ressemblent tant aux hérésies combattues par l’Église médiévale. Les Manichéens et les Gnostiques attaqués par Tertullien, Augustin et Irénée de Lyon sont comme les fantômes de ceux attaqués sous les mêmes dénominations par les papes des XIIe et XIIIe siècles. Selon Patricia Stirnemann, le plus ancien manuscrit du Contre Faustus d’Augustin, écrit et conservé à l’abbaye de Clairvaux, est le témoin de la lutte contre « la résurgence d’un néo-manichéisme au XIIè siècle » (elle ne remet pas en cause la paternité de l’œuvre, mais nous donne une raison supplémentaire de le faire).[20]

Le contexte de la colonisation latine de l’Orient par les croisés est transparent dans de nombreuses sources fallacieuses de l’Antiquité tardive, selon Johnson. La biographie de Jérôme en est un exemple : « il est censé voyager d’Aquilée à Rome, et de Rome à Bethléem et en Égypte. Il s’installe à Bethléem, est suivi de dames romaines, qui y fondent un couvent, et il y meurt. C’est le reflet de quelque chose qui s’est passé pendant les dernières croisades.[21] Il en va de même pour Constantin : la légende de sa conquête militaire par le signe du Crucifié porte la marque de l’époque des croisades, « lorsque les militaires passèrent sous l’influence monacale ».[22]

Si toute l’histoire de l’Église du premier millénaire est fausse, comment reconstituer la véritable histoire de l’Église avant la réforme grégorienne ? Johnson dit qu’il n’y avait pas alors de christianisme occidental : l’Église occidentale était « une institution purement médiévale, sans liens ni littéraires ni oraux avec le passé », et ses fables « n’étaient pas entendues dans le monde jusqu’à l’époque des croisades ».[23] Une hypothèse moins radicale est que le christianisme n’est devenu une force dominante en Occident qu’avec la réforme grégorienne. En tout cas, il est amplement prouvé qu’elle a imposé son hégémonie religieuse non pas tant par la destruction des traditions païennes que par leur appropriation. Le culte de Notre-Dame, qui doit beaucoup à Bernard de Clairvaux (1090-1153), se superpose aux cultes de Diane et d’Isis.

Ce que les réformateurs grégoriens ont fait, c’est réécrire l’histoire afin de créer l’illusion que le christianisme avait 1000 ans en Europe. Toutes les sources n’ont pas été écrites à partir de zéro. Beaucoup ont simplement été fortement modifiés. Un exemple est l’ Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable (672-735). James Watson a montré qu’il s’agissait à l’origine d’une Histoire du peuple anglais sans aucune mention du christianisme ; il a été fortement interpolé au cours du Xe siècle, dit Watson, lorsque “la plupart des notices ecclésiastiques de l’ouvrage ont été greffées avec l’histoire originale”.[24] Un cas un peu différent est la christianisation de Boèce (c. 480-524), devenu théologien chrétien et martyr à l’époque d’Abélard, bien que sa célèbre Consolation de la philosophie ne contienne pas la moindre mention de sa prétendue foi chrétienne.

Quant à l’Histoire des Francs, prétendument écrite à la fin du VIe siècle par Grégoire de Tours, et pratiquement notre seule source sur la conversion de Clovis au catholicisme, il s’agit très probablement d’un faux clérical de l’époque grégorienne, utilisant peut-être des sources antérieures. Il est intéressant de noter que notre pseudo-Grégoire de Tours (peut-être Odilon de Cluny, qui écrivit une Vie de Grégoire ) crut possible à une puissance médiévale d’orchestrer la réécriture systématique de tous les livres : il écrit que le roi Childéric introduisit de nouveaux signes dans l’alphabet latin, et « voulait que tous les anciens manuscrits soient effacés à la pierre ponce, pour en faire d’autres copies, où seraient utilisés les nouveaux signes » (chapitre IV).[25]

Les chroniqueurs du XIe siècle sont des sources importantes pour comprendre la christianisation de l’Europe. Thietmar de Mersebourg a parlé dans son Chronicon d’une nouvelle aube illuminant le monde en 1004, et le moine français Rodulfus Glaber a écrit :

« A l’approche de la troisième année après l’an 1000, dans presque toute la terre, surtout en Italie et en Gaule, les églises furent reconstruites. Bien qu’il soit en bon état et n’en ait pas besoin, tout le peuple chrétien se dispute la possession des plus belles églises. Et c’était comme si le monde lui-même, secouant les haillons de sa vieillesse, se couvrait de toutes parts d’un blanc manteau d’églises. Puis, à l’initiative des fidèles, presque toutes les églises, des cathédrales aux monastères dédiés aux différents saints, et jusqu’aux petits oratoires villageois, furent reconstruites, mais en plus belle » (livre IV, §13).[26]

Rodulfe écrivant sous la tutelle clunisienne (il dédie son ouvrage à l’abbé de Cluny Odilon), il faut se méfier de son affirmation selon laquelle ce qui paraissait nouveau était en fait ancien, car c’était la prétention des « réformateurs » grégoriens. Parce qu’il dit que les églises étaient “en bon état”, leur “reconstruction” peut être un euphémisme pour leur reconsécration à un nouveau culte. Grégoire le Grand (590-604), qui semble être un double de Grégoire VII, aurait recommandé que les temples païens soient exorcisés et réutilisés pour le culte chrétien, et de nombreuses traditions locales en France affirment que les églises romanes étaient à l’origine préchrétiennes.[27] Quant aux « basiliques », leur nom dérive d’un mot grec désignant un édifice royal, plus précisément une chambre de justice sous l’autorité du basileius. L’histoire des manuels indique que, lorsque l’Empire romain a adopté le christianisme, le plan architectural de base de la basilique a été adopté pour les principaux édifices religieux de toute l’Europe, mais cette explication sonne comme un tressaillement.

La basilique byzantine de San Vitale à Ravenne

La basilique byzantine de San Vitale à Ravenne

En réalité, le christianisme occidental en était à ses balbutiements en l’an 1000 après JC. Quant à sa naissance en Orient, elle est entourée de mystère, car toute source grecque authentique qui pourrait nous informer a été soit détruite, soit fortement modifiée. Le sujet dépasse le cadre de cet article, mais posons-nous simplement la question : est-il concevable que la grande basilique construite par Justinien au VIe siècle ait été dédiée au christianisme et nommée Sainte-Sophie (Sainte Sagesse) ? Sophia est la déesse des philosophes, pas des prêtres, et aucune « sainte Sophie » promue par Jacques de Voragine au XIIIe siècle ne peut cacher ce fait. Edwin Johnson a soutenu que le christianisme et l’islam sont nés à la même période. On peut affirmer que Sainte-Sophie a été christianisée sous le règne de l’iconoclaste basileus Léon III l’Isaurien (717-741), lorsqu’elle fut dépouillée de toutes ses icônes et œuvres sculpturales, ou en 842, lorsqu’elle fut redécorée.

Nous avons maintenant atteint un point où l’une des hypothèses de travail de notre premier article peut être reconsidérée : bien que le savant français Polydor Hochart ait été pleinement justifié de remettre en question la théorie dominante selon laquelle les moines chrétiens copiaient des livres païens sur des parchemins précieux,[28] nous devons considérer la théorie alternative selon laquelle ceux qui ont copié aux IXe-XIe siècles les manuscrits que les humanistes ont découverts au XIVe siècle n’étaient en fait pas chrétiens.

Le vol du droit d’aînesse de Constantinople

Où irons-nous d’ici ? En supposant que l’histoire du premier millénaire est fortement déformée par les contrefaçons des scribes pontificaux puis des humanistes, peut-on évaluer le degré de cette distorsion et reconstruire une image crédible ? Le mieux que nous puissions faire est de nous situer au XIe siècle, période la plus ancienne pour laquelle nous possédons de nombreuses chroniques. Pour cette période, nous pouvons peut-être faire confiance aux historiens pour nous donner une image globalement fidèle du monde européen, nord-africain et proche-oriental, et, en regardant quelques siècles en arrière, nous pouvons essayer de discerner les mouvements de l’histoire qui conduisent à ce monde. Au-delà, tout est flou.

Géographiquement, autant se positionner au centre du monde que l’on cherche à comprendre. Ce centre n’était pas Rome. Malgré la propagande romaine faisant l’éloge des Mirabilia Urbis Romae (“les merveilles de la ville de Rome”) aux Xe et XIe siècles, le centre politique, économique, culturel et religieux de la civilisation qui comprenait Rome, était Constantinople (avec Alexandrie en deuxième position).

Au XIe siècle, les murs de Constantinople auraient pu contenir les dix plus grandes villes d’Occident. Sa taille, ses chefs-d’œuvre architecturaux et sa richesse ont tellement impressionné les visiteurs occidentaux que, dans le roman français Partonopeu de Blois, Constantinople est le nom du paradis. La prospérité économique de Constantinople reposait sur sa situation au carrefour des grandes routes commerciales, sur un monopole du commerce des produits de luxe comme la soie, sur une masse monétaire d’or considérable et sur une administration fiscale efficace (le kommerkion était un pourcentage de taxe sur toute transaction dans le port de la ville).

La culture grecque rayonnait de Constantinople aux quatre coins du monde, de la Perse et de l’Égypte à l’Irlande et à l’Espagne. Aux XIe et XIIe siècles, on assiste à un vaste mouvement de traduction du grec vers le latin d’ouvrages philosophiques et scientifiques (médecine, astronomie, etc.). Des livres grecs ont également été traduits en persan et en syriaque, et, à partir de là, en arabe. Dans son livre Aristote au mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim met en échec l’idée répandue selon laquelle la diffusion de la philosophie et des sciences au Moyen Âge était due principalement aux musulmans. En réalité, l’héritage grec a été transmis aux villes italiennes directement de Constantinople, c’est-à-dire dans le sens inverse de la translatio imperii fictive de Constantin.[29]

Le basileus entretenait de bonnes relations avec le califat fatimide d’Égypte, qui avait conquis Jérusalem et la Basse Syrie aux Abbassides dans les années 960. Au début des années 1070, l’alliance entre Byzantins et Fatimides est renforcée par une menace commune : les incursions des Turcs seldjoukides, qui ont pris le contrôle du califat de Bagdad. En 1071, ils battent l’armée byzantine à la bataille de Manzikert et fondent en Anatolie le sultanat de Roum, avec pour capitale Nicée, à une centaine de kilomètres seulement de Constantinople. Puis ils ont pris une partie de la Syrie, y compris Jérusalem, aux Fatimides.

Jusqu’à récemment, on croyait généralement que les croisades étaient la réponse généreuse de l’Église romaine à un appel désespéré à l’aide de l’empereur byzantin Alexios Komnenos. C’est ainsi que les chroniqueurs contemporains occidentaux l’ont présenté, à l’aide d’une fausse lettre d’Alexios au comte de Flandre, dans laquelle le premier confessait son impuissance face aux Turcs et implorait humblement son secours.[30] En fait, l’empereur n’était pas dans une situation désespérée et sa demande était simplement que des mercenaires combattent sous son commandement et l’aident à reconquérir l’Anatolie aux Seldjoukides. Les Byzantins avaient toujours attiré des guerriers de nations étrangères pour servir sous leur bannière en échange de largesses impériales, et les chevaliers francs étaient très appréciés pour cette qualité.

Au lieu de cela, Urbain II (un ancien abbé de Cluny), voulait lever une armée qui partirait immédiatement à la conquête de Jérusalem, une ville sur laquelle Alexios n’avait aucun droit immédiat, et qu’il aurait heureusement rendu aux Fatimides. Une armée de croisés sous l’ordre d’un légat papal n’a jamais été ce qu’Alexios avait demandé, et les Byzantins étaient inquiets et méfiants quand ils l’ont vu venir. “Alexios et ses conseillers voyaient la croisade qui approchait non pas comme l’arrivée d’alliés tant attendus mais plutôt comme une menace potentielle pour l’ Oikoumene “, écrit Jonathan Harris. Ils craignaient que la libération du Saint-Sépulcre ne soit le prétexte d’un sinistre complot contre Constantinople.[31]

La première croisade réussit à établir quatre États latins en Syrie et en Palestine, qui formèrent la base d’une présence occidentale qui durera jusqu’en 1291. A la fin du XIIe siècle, Jérusalem ayant été récupérée par Saladin, le pape Innocent III proclama une nouvelle croisade, la quatrième en numérotation moderne. Cette fois, la peur des Byzantins d’un agenda caché s’est avérée pleinement justifiée. Au lieu d’aller à Jérusalem via Alexandrie, comme annoncé officiellement, les chevaliers francs, endettés par les rusés vénitiens (et les historiens traditionnels parlent ici de « conspiration vénitienne »), se sont dirigés vers Constantinople. L’énorme armée des croisés pénétra dans la ville en avril 1204 et la pilla pendant trois jours. “Depuis la création de ce monde, de si grandes richesses n’avaient été ni vues ni conquises,[32] Palais, églises, monastères, bibliothèques ont été systématiquement pillés et la ville est devenue une pagaille.[33]

Le nouvel Empire franco-latin, bâti sur les ruines fumantes de Constantinople, ne dura qu’un demi-siècle. Les Byzantins, retranchés à Nicée (Iznik), regagnèrent lentement une partie de leur ancien territoire et, en 1261, sous le commandement de Michel VIII Palaiologos, chassèrent les Francs et les Latins de Constantinople. Mais la ville n’était que l’ombre de sa gloire passée : la population grecque avait été massacrée ou avait fui, les églises et les monastères avaient été profanés, les palais étaient en ruines, et le commerce international s’était arrêté. De plus, le pape Urbain IV ordonna qu’une nouvelle croisade soit prêchée dans toute l’Europe pour reprendre Constantinople aux « schismatiques ».[34] Il y avait peu de volontaires. Mais en 1281 encore, le pape Martin IV encouragea le projet de Charles d’Anjou (frère du roi Louis IX) de reprendre Constantinople et d’établir un nouvel empire catholique. Elle échoua, mais la Quatrième Croisade et ses suites avaient infligé à la civilisation byzantine une blessure mortelle, et elle s’effondra un siècle et demi plus tard, après mille ans d’existence, lorsque le sultan ottoman Mehmet II prit Constantinople en 1453. Le célèbre l’historien médiéval Steven Runciman a écrit :

“Il n’y a jamais eu de plus grand crime contre l’humanité que la quatrième croisade. Non seulement il a causé la destruction ou la dispersion de tous les trésors du passé que Byzance avait conservés avec dévouement, et la blessure mortelle d’une civilisation encore active et grande ; mais c’était aussi un acte de folie politique gigantesque. Cela n’a apporté aucune aide aux chrétiens de Palestine. Au lieu de cela, il les a privés d’aides potentielles. Et cela a bouleversé toute la défense de la chrétienté.[35]

Les chevaux de Saint-Marc, pillés à Constantinople par les Vénitiens

Les chevaux de Saint-Marc, pillés à Constantinople par les Vénitiens

Quelle est l’ancienneté de la Grèce classique ?

Cependant, pour l’Occident, et l’Italie en particulier, le sac de Constantinople a donné le coup d’envoi d’une croissance économique fulgurante, alimentée d’abord par les vastes quantités d’or pillées. Au début du XIIIe siècle, les premières pièces d’or apparaissent en Occident, où seules des pièces d’argent ont été émises jusqu’à présent (sauf en Sicile et en Espagne).[36] Les bénéfices culturels de la quatrième croisade furent également impressionnants : les années suivantes, des bibliothèques entières furent pillées, que les érudits de langue grecque commenceraient alors à traduire en latin. On peut dire sans exagération que la montée de l’humanisme en Italie fut un effet indirect de la chute de Constantinople.

Le Concile de Florence de 1438, dernière tentative de réunification des Églises catholique et orthodoxe, est une date importante dans le transfert de la culture grecque vers l’Occident. L’empereur byzantin Jean VIII Paléologue et le patriarche Joseph II sont venus à Florence avec une suite de 700 Grecs et une extraordinaire collection de livres classiques encore inconnus en Occident, y compris des manuscrits de Platon, Aristote, Plutarque, Euclide et Ptolémée. « Sur le plan culturel, la transmission de textes classiques, d’idées et d’objets d’art d’est en ouest qui a eu lieu au Concile devait avoir un effet décisif sur l’art et l’érudition de l’ Italie de la fin du XVe siècle.[37] Et quand, après 1453, les derniers porteurs de la haute culture de Constantinople ont fui la domination ottomane, beaucoup sont venus contribuer à l’épanouissement de la Renaissance italienne. En 1463, la cour florentine de Cosme de Medicis fait la connaissance du philosophe néoplatonicien George Gemistos, dit Pletho, dont les discours sur Platon les fascinent tellement qu’ils décident de refonder l’Académie de Platon à Florence.[38] Ils ont nommé Marsile Ficin à sa tête, lui fournissant des manuscrits grecs de l’œuvre de Platon, après quoi Ficin a commencé à traduire l’ensemble du corpus en latin.

En même temps qu’ils s’appropriaient l’héritage grec, les humanistes italiens affectaient d’ignorer leur dette envers Constantinople. En conséquence, jusqu’à très récemment, les études médiévales ont négligé l’influence byzantine sur l’Occident, voire l’importance de l’Empire byzantin au Moyen Âge. Le professeur de Cambridge Paul Stephenson commentait en 1972 : « L’excision de l’histoire byzantine des études européennes médiévales me semble en effet une offense impardonnable contre l’esprit même de l’histoire.[39] Un facteur aggravant est que “pratiquement toutes les archives des chancelleries impériales et patriarcales de Byzance ont péri soit en 1204, lorsque la ville fut saccagée par les croisés, soit en 1453, lorsqu’elle tomba sous les Turcs”.[40] Byzance fut tuée deux fois : après l’avoir saccagée en 1204, l’Occident latin s’efforça de l’effacer de sa mémoire collective. Comme l’écrit Steven Runciman :

“L’Europe occidentale, avec des souvenirs ancestraux de jalousie de la civilisation byzantine, avec ses conseillers spirituels dénonçant les orthodoxes comme des schismatiques pécheurs, et avec un sentiment de culpabilité obsédant d’avoir laissé tomber la ville à la fin, a choisi d’oublier Byzance. Elle ne pouvait oublier la dette qu’elle devait aux Grecs ; mais elle considérait la dette comme n’étant due qu’à l’âge classique.[41]

Il faut souligner, cependant, qu’à ce stade, les savants ne possédaient pas une chronologie globale cohérente pour dater précisément l’âge classique grec; ce serait un projet des jésuites au XVIe siècle, comme nous le documenterons dans le prochain article. Le byzantin français Michel Kaplan fait la remarque intéressante que les humanistes occidentaux qui ont étudié la littérature grecque importée de Constantinople à partir du XIVe siècle, « ne distinguaient pas les œuvres de la Grèce classique et hellénistique de celles de l’époque byzantine ».[42] L’hypothèse implicite est que les chercheurs modernes sont maintenant capables de faire clairement cette distinction. Mais le sont-ils vraiment ?

Les mêmes questions que nous avons soulevées à propos des sources latines dans notre article précédent peuvent être appliquées aux sources grecques. Quelle preuve avons-nous que les œuvres attribuées à Platon, par exemple, datent d’il y a environ 2500 ans ? Il est solidement établi que tous les manuscrits connus de Platon dérivent d’un archétype unique, daté de la période du grand patriarche Photios .(vers 810-895). C’est à cette époque que l’empereur byzantin Léon le Philosophe “redécouvre” et promeut la connaissance de Platon, ainsi que de ses disciples Porphyre, Jamblique et Plotin, que nous appelons maintenant néoplatoniciens et attribuons à sept siècles plus tard que Platon. Ensuite, il y a le problème linguistique : des universitaires grecs tels que Roderick Saxey II de l’Université d’État de l’Ohio sont intrigués par « le peu de changement de la langue, même en plus de trois millénaires ».[43] Selon Margaret Alexiou, professeur à Harvard, « le grec homérique est probablement plus proche du démotique [grec moderne] que l’anglais moyen du XIIe siècle ne l’est de l’anglais parlé moderne ».[44] Si l’on suppose que l’évolution des langues suit des lois universelles, le grec homérique ne devrait pas être beaucoup plus ancien que le moyen anglais.

Dans son livre stimulant Re-Dating Ancient Greece , Sylvain Tristan explore comment les Francs qui ont gouverné une grande partie de la Grèce après la quatrième croisade, ont pu contribuer non seulement à la transmission de la culture grecque classique à l’Occident, mais à son élaboration.[45] Tristan note également que les vestiges architecturaux de la Grèce franque ne sont pas aussi faciles à distinguer de ceux de l’âge classique qu’on pourrait s’y attendre. Sur l’Acropole s’élevait autrefois une tour connue localement sous le nom de Tour franque , probablement édifiée par Othon de la Roche, fondateur du duché d’Athènes au début du XIIIe siècle. Bien qu’il soit fait des mêmes pierres que le bâtiment adjacent, Heinrich Schliemann le juge anachronique et le fait démolir en 1874.

L'Acropole avec sa tour franque en 1872

L’Acropole avec sa tour franque en 1872

Selon notre chronologie des manuels, le Parthénon a été construit il y a 2 500 ans. Son état actuel peut sembler compatible avec une telle vieillesse, mais peu de gens savent qu’il était encore intact en 1687, lorsqu’il fut dynamité par une bombe tirée par un mortier vénitien . Le peintre français Jacques Carrey en avait fait quelque cinquante-cinq dessins en 1674, qui servirent plus tard à sa restauration.

Le Parthénon en 1674, et explosant en 1687

Le Parthénon en 1674, et explosant en 1687

Dans l’Antiquité, nous dit-on, le Parthénon abritait une gigantesque statue d’ Athéna Parthénos (“Vierge”), tandis qu’au VIe siècle, il devint une église dédiée à “Notre-Dame d’Athènes”, jusqu’à ce qu’il soit transformé en mosquée par le Ottomans. Curieusement, l’historien William Miller nous apprend dans son Histoire de la Grèce franque que le Parthénon n’est pas mentionné dans les textes médiévaux avant 1380 environ, lorsque le roi d’Aragon le décrit comme « le joyau le plus précieux qui existe au monde ». L’Acropole était alors connue sous le nom de “Château d’Athènes”.[46] Pourrait-il s’agir d’une cité médiévale fortifiée dès le départ ? La Grèce antique est-elle un fantasme ? Ou est-elle simplement mal datée ?

Dans le cadre de notre hypothèse selon laquelle, entre le XIe et le XVe siècle, Rome a inventé ou embelli sa propre Antiquité républicaine et impériale comme propagande pour priver Constantinople de son droit d’aînesse, il est logique que Rome invente ou embellisse également une antiquité grecque pré-byzantine, comme moyen d’expliquer son propre héritage grec sans reconnaître sa dette envers Constantinople. Pour expliquer comment la culture grecque avait rempli le monde avant d’atteindre Rome, Alexandre le Grand et son héritage hellénistique ont également été inventés.

Alexandre est un personnage légendaire. Selon sa biographie la plus sobre, due à Plutarque, à 22 ans, ce prince macédonien (éduqué par Aristote) partit à la conquête du monde avec environ 30 000 hommes, fonda soixante-dix villes, et mourut à 32 ans, laissant un civilisation de langue grecque entièrement formée qui s’étendait de l’Égypte à la Perse. Sylvain Tristan remarque, d’après Anatoly Fomenko, que les Séleucides ( Seleukidós ), qui régnèrent sur l’Asie Mineure après Alexandre, portent à peu près le même nom que les Seljukides ( Seljoukides ), qui contrôlèrent cette même région de 1037 à 1194. La civilisation hellénistique est-elle une autre image fantôme de la république byzantine, repoussée dans un passé lointain pour dissimuler la dette de l’Italie envers Constantinople ? Une telle hypothèse semble tirée par les cheveux. Mais cela devient plausible une fois que l’on se rend compte que notre chronologie est une construction relativement récente. Au Moyen Âge, il n’existait pas de longue chronologie acceptée balayant les millénaires. Si aujourd’hui Wikipédia nous dit qu’Alexandre le Grand est né le 21 juillet 356 avant JC et mort le 11 juin 323 avant JC, c’est simplement parce qu’un érudit du XVIe siècle l’a déclaré ainsi, en utilisant des conjectures arbitraires et un ruban à mesurer biblique. Cependant, avec les progrès récents de l’archéologie, les problèmes rencontrés par notre chronologie reçue se sont accumulés en une masse critique.

En voici un exemple, cité par Sylvain Tristan : le « mécanisme d’Anticythère » est un ordinateur analogique composé d’au moins 30 rouages ​​en bronze engrenés, utilisé pour prédire les positions astronomiques et les éclipses à des fins calendaires et astrologiques des décennies à l’avance. Il a été récupéré de la mer en 1901 parmi les débris d’un naufrage au large de l’île grecque d’Anticythère. Elle est datée du IIe ou Ier siècle av. D’après Wikipédia, “la connaissance de cette technologie s’est perdue à un moment donné dans l’Antiquité” et “des œuvres d’une complexité similaire ne sont réapparues qu’avec le développement des horloges astronomiques mécaniques en Europe au XIVe siècle”. Ce gouffre technologique de 1 500 ans est peut-être plus facile à croire quand on croit déjà que le modèle héliocentrique développé par l’astronome grec Aristarque de Samos au IIIe siècle avant J.-C. a été totalement oublié jusqu’à ce que Nicolas Copernic le réinvente au XVIe siècle après J.-C. Mais le scepticisme est ici moins extravagant que le consensus savant.

Le nombre de sceptiques a augmenté ces dernières années, et plusieurs chercheurs se sont mis à remettre en question ce qu’ils appellent la chronologie scaligerienne (normalisée par Joseph Scaliger dans son livre De emendatione temporum , 1583). La plupart de ces « récentistes », que nous présenterons dans notre prochain article, se concentrent sur le premier millénaire de notre ère. Ils croient que c’est beaucoup trop long, en d’autres termes, que l’Antiquité est plus proche de nous qu’on ne le pense. Ils se retrouvent en effet en accord avec les humanistes de la Renaissance qui, selon l’historien Bernard Guenée, pensaient le « moyen âge » entre l’Antiquité et leur temps (le terme media tempestas apparaît pour la première fois en 1469 dans la correspondance de Giovanni Andrea Bussi ) comme « rien mais une parenthèse, un entre-deux.[47] En 1439, Flavio Biondo , le premier archéologue de Rome, a écrit un livre sur cette période et l’a intitulé : Des décennies d’histoire depuis la détérioration de l’Empire romain. Giorgio Vasari y voyait seulement deux siècles lorsqu’il écrivait dans sa Vie de Giotto (1550), que Giotto (1267-1337) « a fait revivre le véritable art de la peinture, introduisant le dessin d’après nature des personnes vivantes, qui n’avait pas été pratiqué depuis deux cents ans .[48]

Si notre Moyen Âge a été étiré artificiellement de sept siècles ou plus, cela signifie-t-il que la majeure partie n’est que pure fiction ? Pas nécessairement. Gunnar Heinsohn, utilisant l’archéologie comparée et la stratigraphie (découvrez ses articles ou regardez sa vidéoconférence ), soutient que les événements répandus dans l’Antiquité, l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge étaient en fait contemporains. En d’autres termes, l’Empire romain d’Occident, l’Empire romain d’Orient (byzantin) et l’Empire romain germanique doivent être resynchronisés et considérés comme faisant partie de la même civilisation qui s’est effondrée il y a un peu plus de dix siècles, après un événement cataclysmique mondial qui a causé un remue-ménage de la mémoire et un goût pour les cultes apocalyptiques du salut.

Remarques

[1] Claire Levasseur et Christophe Badel, Atlas de l’Empire romain : Construction et apogée : 300 av. J.-C. – 200 avr. J.-C., Édiions Autrement, 2020 , p. 76.

[2] Le plus influent fut Émile Littré avec son Histoire de la langue française, 1862.

[3] Angelo Mazzocco, Théories linguistiques chez Dante et les humanistes: études du langage et de l’histoire intellectuelle à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance en Italie, EJ Brill, 1993, p. 175 (lire sur books.google.com).

[4] Selon les mots de Jerry Brotton, Le bazar de la Renaissance : de la route de la soie à Michel-Ange, Oxford UP, 2010, p. 66, déjà cité dans « How Fake is Roman Antiquity ?

[5] Jacques Heers, Le Moyen Âge, une imposture, Perrin, 1992, pp. 55-58.

[6] Bart D. Ehrman, Forgery and Counterforgery: The Use of Literary Deceit in Early Christian Polemics, Oxford University Press, 2013 (sur books.google.com), pp. 1, 27.

[7] Heribert Illig, “Anomalous Eras – Best Evidence: Best Theory”, juin 2005, sur www.bearfabrique.org/Catastrophism/illig_paper.htm.

[8] Herbert Edward John Cowdrey, Les clunisiens et la réforme grégorienne, Clarendon, 1970.

[9] Marc Bloch, Société féodale, vol. 1 : La croissance des liens de dépendance, University of Chicago Press, 1964, p. 107.

[10] Robert I. Moore, La première révolution européenne, v. 970-1215, Basil Blackwell, p. 11, 174.

[11] Harold Berman, Law and Revolution, the Formation of the Western Legal Tradition , Harvard UP, 1983, pp. 15, 108.

[12] Laurent Morelle, « Des faux par milliers » L’Histoire, n° 372, février 2012.

[13] Reproduit de F. Henderson, (Ed.), Select Historical Documents of the Middle Ages , George Bell and Sons, 1910 (sur archive.org), pp. 329-333.

[14] John Romanides, Franks, Romans, Feodalism, and Doctrine: An Interplay Between Theology and Society, Conférences commémoratives du patriarche Athénagoras, Holy Cross Orthodox Press, 1981, sur www.romanity.org/htm/rom.03.en.franks_romans_feudalism_and_doctrine .01.htm

[15] John Meyendorff et Aristeides Papadakis, The Christian East and the Rise of the Papacy, St Vladimir’s Seminary Press, 1994, pp. 55, 167, 27.

[16] Aviad Kleinberg, Histoires de saints. Leur rôle dans la formation de l’Occident , Gallimard, 2005, p. 72.

[17] Andrew J. Ekonomou, Rome byzantine et les papes grecs : influences orientales sur Rome et la papauté de Grégoire le Grand à Zacharias, AD 590-752 , Lexington Books, 2009, p. 43.

[18] Michel Kaplan, Pourquoi Byzance ? : Un empire de onze siècles, Folio/Gallimard, 2016, p. 55.

[19] Robert Favreau, Bernadette Mora et Jean Michaud, “Chrismes du Sud-Ouest”, CNRS Editions, 1985 ( Corpus des inscriptions de la France médiévale , 10), sur www.persee.fr

[20] Patricia Stirnemann, « Saint Augustin, Contre Faustus » , sur www.bibliotheque-virtuelle-clairvaux.com, cité dans Wikipédia .

[21] Edwin Johnson, La montée de la chrétienté (1890) , sur archive.org, p. 360.

[22] Edwin Johnson, La montée de la chrétienté, op. cit., p. 50.

[23] Edwin Johnson, La montée de la chrétienté, op. cit., p. 7, 80.

[24] James Watson, Interpolations dans l’histoire ecclésiastique de Bede et d’autres annales anciennes affectant l’histoire ancienne de l’Écosse et de l’Irlande, Peebles, 1883 (archive.org), p. 9.

[25] Grégoire de Tours, Histoire des rois francs, Gallimard, 1990, chapitre IV, p. 103

[26] Raoul Glaber, Histoires, éd. et trad. Mathieu Arnoux, Turnhout, Brépols, 1996, IV, §13, pp. 163-165.

[27] Thomas Creissen, « La christianisation des lieux de culte païens : ‘assassinat’, simple récupération ou mythe historiographique ? », Gallia – Archéologie de la France antique, CNRS Éditions, 2014, 71 (1), pp. 279-287 , sur hal.archives-ouvertes.fr

[28] Polydor Hochart, De l’authenticité des Annales et des Histoires de Tacite , 1890 (sur archive.org), pp. 3-5.

[29] Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne, Seuil, 2008.

[30] Einar Joranson, « Le problème de la fausse lettre de l’empereur Alexis au comte de Flandre », The American Historical Review , vol. 55 n°4 (juillet 1950), pp. 811-832, sur www.jstor.org.

[31] Jonathan Harris, Byzance et les croisades , Hambledon Continuum, 2003, p. 56.

[32] Robert de Clari, La Conquête de Constantinople, Champion Classiques, 2004, p. 171.

[33] Steven Runciman, Une histoire des croisades, vol. 3: Le royaume d’Acre et les croisades ultérieures (1954), Penguin Classics, 2016, p. 123.

[34] Jonathan Harris, Byzance et les croisades, op. cit. , p. 50.

[35] Steven Runciman, Une histoire des croisades, vol. 3, op. cité, p. 130.

[36] Edwin Hunt, The Medieval Super-Companies: A Study of the Peruzzi Company of Florence , Cambridge UP, 1994.

[37] Jerry Brotton, Le bazar de la Renaissance : de la route de la soie à Michel-Ange, Oxford UP, 2010, p. 103.

[38] Dans son livre Re-Dating Ancient Greece (2008), Sylvain Tristan souligne des parallèles intrigants entre les vies de Platon et de Pletho, et fait l’hypothèse que Platon est en réalité un personnage fictif de Pletho.

[39] Paul Stephenson, Le monde byzantin, Routledge, 2012, p. xxi.

[40] John Meyendorff, Byzance et la montée de la Russie, Cambridge UP, 1981, p. 2.

[41] Steven Runciman, La Chute de Constantinople 1453, Cambridge UP, 1965, p. 190.

[42] Michel Kaplan, Pourquoi Byzance ? Un empire de onze siècles, Folio/Gallimard, 2016, p. 39.Abonnez-vous aux nouvelles colonnes

[43] Roderick Saxey II (1998-99), “La langue grecque à travers le temps,” http://linguistics.byu.edu/classes/ling450ch/reports/greek.html

[44] Margaret Alexiou, “Diglossie en Grèce”, dans William Haas, Standard Languages: Spoken and Written , Manchester UP, 1982.

[45] Sylvain Tristan, Re-Dating Ancient Greece: 500 BC = 1300 AD ? , publié indépendamment, 2008.

[46] William Miller, Les Latins au Levant : Une histoire de la Grèce franque (1204-1566), P. Dutton & Co., 1908 (sur archive.org), pp. 315, 327.

[47] Bernard Guenée, Histoire et culture historique dans l’occident médiéval , Aubier, 2011, p. 9.

[48] David Carrette, L’Invention du Moyen Âge. La plus grande falsification de l’histoire , Magazine Top-Secret, Hors-série n°9, 2014, pp. 43, 53.

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