L’abolition de l’esclavage, en tant que forme juridique d’exploitation du travail humain, n’a pas eu que des motifs philanthropiques. Abraham Lincoln, président des Etats-Unis d’Amérique disait avoir deux ennemis dans cette fameuse guerre de sécession : Le Sud, et les banques. Mais il ajoutait aussi qu’entre les deux, c’étaient les banques qui étaient le plus à craindre.

Oui, dans les conditions historiques de son développement, le capitalisme, qui est inhumain et pragmatique par essence, mais qui ne rechigne pas à recourir à des arguments humanistes quand ceux-ci le servent, a compris que la vieille forme du travail servile, peu qualifié, où les esclaves étaient les biens meubles de leurs propriétaires, devait être remplacée par une forme alternative et beaucoup plus efficace.

Imaginez une armée de soldats zélés, en concurrence les uns avec les autres pour servir le plus offrant, pourvoyant eux-mêmes à leur subsistance, assurant eux-mêmes leur discipline, gérant eux-mêmes leur éducation et leur conditionnement, malléables, flexibles, évolutifs, réactifs, incapables intellectuellement de prendre conscience de leur aliénation, qualifiés, voire hautement qualifiés pour les tâches complexes qu’on leur assigne, et capables d’acheter eux-mêmes, avec le pouvoir d’achat qu’on leur prête, l’écoulement des marchandises qu’ils produisent et la consommation des services qu’ils fabriquent, dans une boucle sans fin où ils courent perpétuellement derrière le temps dont ils se dépossèdent « librement » au profit du système. Du pain béni ! Si t’arrives à te placer en haut de ce magnifique dispositif, à la place d’un tireur de ficelles, t’as plus qu’à partir en croisière. L’esclavage, c’était immoral certes, mais on s’en fout. Bien plus sûrement, c’était complètement inefficace par rapport à ce bijou qu’est le salariat. Oui, l’esclavage, il est bon qu’il ait été aboli, c’était nécessaire.

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