Par Thierry Meyssan
Source : Voltairenet.org, le 09/03/2022
La présence organisée par l’État de néo-nazis au sein de l’armée ukrainienne n’est pas anecdotique, même s’il n’est pas possible de la quantifier de manière certaine. Il est par contre aisé de dénombrer leurs victimes. Dans l’indifférence générale, ils ont tué 14 000 Ukrainiens en huit ans. Cette situation est l’une des causes de l’intervention militaire russe en Ukraine. Israël se trouve confronté pour la première fois à ce qu’il n’a jamais pu imaginer : le soutien de son protecteur US à son ennemi historique, le nazisme.
Israël est confronté à un problème inattendu face à la crise ukrainienne : est-il exact, comme le prétend Moscou, que le pays est aux mains d’une « bande de néo-nazis » financée par des juifs ukrainiens et états-uniens ? Si oui, c’est un devoir moral pour Tel-Aviv de clarifier sa position sur les juifs qui soutiennent des nazis, indépendamment de toute prise de position sur la crise ukrainienne.
La question est d’autant plus cruelle que les quelques juifs états-uniens qui soutiennent ou instrumentent les groupes nazis ukrainiens sont un groupuscule d’une petite centaine de personnes, les straussiens, aujourd’hui au pouvoir dans l’entourage immédiat du président Joe Biden.
QUE REPRÉSENTENT LES NÉO-NAZIS UKRAINIENS ?
En février 2014, la « révolution de la dignité », dite aussi « EuroMaïdan », fut un changement de régime sponsorisé par la straussienne Victoria Nuland, assistante des secrétaires d’État Hilary Clinton et John Kerry. Dans ce contexte, un groupe de hooligans supporters du club de football de Kharkiv, la « Secte 82 », occupa les locaux du gouvernorat de l’oblast et passa à tabac les employés de l’ancien régime.
Devenu ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, qui avait été gouverneur de Kharkiv durant l’ancien régime et l’un des organisateurs de l’Euro 2012, autorisa la formation d’une force paramilitaire de 12 000 hommes, autour des hooligans de la « Secte 82 » pour défendre la « révolution ». Le 5 mai 2014, le « Bataillon Azov » ou « Corps de l’Est » était officiellement formé sous le commandement d’Andriy Biletsky.
Ce dernier, dit le « führer blanc », est un théoricien du nazisme. Il avait été le leader des « Patriotes d’Ukraine », un groupuscule néo-nazi partisan d’une Grande Ukraine et violemment anti-communiste.
Andriy Biletsky et Dmitro Yarosh fondèrent ensemble le « Secteur Droit » qui joua le rôle principal sur la place Maïdan, en 2014. Cette structure, ouvertement anti-sémite, homophobe était financée par le parrain de la mafia ukrainienne, le milliardaire juif Ihor Kolomoïsky. Au plan international, le « Secteur Droit » est violemment opposé à l’Union européenne et entend au contraire constituer une alliance des Etats d’Europe centrale et de la baltique, l’Intermarium. Cela tombe bien, c’est aussi le projet des Straussiens qui, depuis le rapport Wolfowitz de 1992, considèrent l’Union européenne comme un rival pour les USA plus dangereux que la Russie. Vous vous souvenez de la conversation téléphonique interceptée entre Madame Nuland et l’ambassadeur US, elle s’y exclamait : « Qu’on encule l’union européenne ! » (sic).
Dmitro Yarosh est un agent des réseaux stay-behind de l’Otan qui organisa avec l’émir Dokou Oumarov un congrès anti-Russe à Ternopol, en 2007, sous le regard attentif de Victoria Nuland, qui à l’époque était ambassadrice des États-Unis à l’Otan. Yarosh réunit des néo-nazis de toute l’Europe et des islamistes du Moyen-Orient pour faire le jihad en Tchétchénie contre la Russie. Par la suite, il fut le leader du « Trident de Stepan Bandera » (dit « Tryzub »), un groupuscule glorifiant la Collaboration ukrainienne avec les nazis. Selon Stepan Bandera, les Ukrainiens authentiques sont d’origine scandinave ou proto-germanique, malheureusement, ils se sont mêlés avec des slaves, les Russes, qu’ils doivent combattre et dominer. Fin 2013, les hommes de Yarosh et les jeunes d’un autre groupe nazis furent formés au combat de rue par des instructeurs de l’Otan en Pologne. Je fus très critiqué lorsque je révélai cette affaire car j’avais cité en note un journal satirique, cependant le Procureur général de Pologne ouvrit une enquête qui, bien sûr, n’aboutit jamais car elle aurait mis en cause le ministre de la Défense [1].
À l’été 2014, le Bataillon Azov comprenait déjà tous ces groupes néo-nazis, mais pas seulement eux. Ils furent envoyés combattre les rebelles de Donetsk et de Lougansk, ce qu’ils firent avec jouissance. Leur solde fut augmentée pour atteindre plus de deux fois celle des soldats réguliers. Le Bataillon prit la ville de Marinka à la République populaire autoproclamée de Donestk où il massacra des « séparatistes ».
En septembre 2014, le gouvernement provisoire chargea la Garde nationale d’absorber le Bataillon Azov et d’écarter quelques leaders nazis de la formation.
Aux élections d’octobre 2014, deux anciens leaders nazis du Régiment Azov, Andriy Biletsky et Oleh Petrenko furent élus à la Rada (Assemblée nationale). Si le « führer blanc » siégea seul, Petrenko rejoignit le groupe parlementaire soutenant le président Petro Porochenko. Le Bataillon Azov devint alors le Régiment Azov de la Garde nationale.
En mars 2015, le ministre de l’Intérieur (toujours Arsen Avakov) négocia avec le Pentagone qu’une formation militaire soit donnée par les Forces spéciales états-uniennes au Régiment Azov dans le cadre de l’opération « Gardien sans peur » (Operation Fearless Guardian). Mais immédiatement les représentants John Conyers, Jr. (Démocrate, Michigan) et Ted Yoho (Républicain, Floride) dénoncèrent une folie. Ils firent valoir qu’armer les islamistes en Afghanistan avait rendu possible la formation d’Al-Qaïda et la généralisation du terrorisme. Ils convainquirent leurs collègues que les États-Unis ne pouvaient pas former des néo-nazis sans risquer d’en payer un jour les conséquences. Les parlementaires interdirent donc au Pentagone de poursuivre et d’armer le Régiment Azov avec des lance-roquettes (MANPAD) lors du vote du budget de la Défense [2]. Cependant le Pentagone revint à la charge et parvint à faire retirer l’amendement. [3], soulevant des protestations du Centre Simon Wiesenthal.
Au cours de cette période, le sénateur John McCain (Républicain, Arizona), partisan du soutien aux ennemis de la Russie, après avoir entretenu des liens avec les chefs d’Al-Qaïda puis de Daesh en Libye, au Liban et en Syrie [4], visita une unité du Régiment Azov, Dnipro-1. Il félicita chaleureusement ces braves nazis qui défient la Russie comme il avait jadis félicité ces braves jihadistes.
C’est à ce moment la que le Régiment Azov recruta à l’étranger. Il en vint de tout l’Occident, notamment du Brésil, de Croatie, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, d’Italie, de Slovaquie, de Tchéquie, de Scandinavie, du Royaume-Uni et de Russie. Pourtant les Accords de Minsk, dont l’Allemagne et la France sont les garants, interdisent formellement aux autorités de Kiev d’engager des mercenaires étrangers. Le Régiment Azov a aussi organisé des camps de jeunesses pour 15 000 adolescents et des associations pour les civils de sorte que l’ensemble du Régiment comprenait environ 10 000 hommes et au moins deux fois plus de « sympathisants ». Andriy Biletsky pouvait déclarer que le Régiment avait pour mission historique d’unir « les races blanches du monde dans une dernière croisade pour leur survie […] une croisade contre les sous-hommes conduits par les juifs ».
Deux rapports du prince Zeid Raad al-Hussein, en qualité de Haut Commissaire des Nations unies pour les Droits de l’homme font état des crimes de guerres commis par le Régiment Azov [5].
En 2017, une délégation officielle de l’Otan, comprenant des officiers des États-Unis et du Canada, rencontra officiellement le Régiment Azov.
De très nombreux médias ont consacré des reportages aux groupes néo-nazis ukrainiens. Tous, sans exception, ont été horrifiés par l’idéologie et la violence du Régiment Azov. À titre d’exemple, le Huffington Post mettait en garde contre la complaisance des responsables politiques ukrainiens dans un article intitulé : « Note à l’Ukraine : Arrêtez de blanchir le dossier politique » [6].
En 2018, le FBI entra à nouveau en conflit avec la CIA. Cette fois à propos des néo-nazis états-uniens qui avaient été se former auprès du Régiment Azov et étaient revenus perpétrer des violences sur le sol américain. L’ennemi de l’intérieur qu’est le Mouvement pour s’élever au-dessus (Rise Above Movement — RAM) avait été formé par la CIA en Ukraine [7].
Après les attentats du Christchuch (Nouvelle-Zélande), qui firent 51 morts et 49 blessés en octobre 2019, 39 membres de la Chambre des Représentants US écrivirent au département d’État pour réclamer que le Régiment Azov soit qualifié d’« organisation terroriste étrangère » (FTO) car le terroriste avait fréquenté l’organisation ukrainienne. Cependant le néo-zélandais était anti-musulman, tandis que les néo-nazis ukrainiens se sont battus en Tchétchénie avec les jihadistes.
En 2020, le milliardaire Erik Prince, le fondateur de l’armée privée Blackwater, souscrit divers contrats avec l’Ukraine. L’un d’entre eux lui donnait toute latitude pour encadrer le Régiment Azov. Prince espérait à terme prendre le contrôle de l’industrie d’armement ukrainienne héritée de l’Union soviétique [8] [9]
Le 21 juillet 2021, le président Zelensky promulguait une loi sur les « peuples autochtones ». Elle ne reconnait la jouissance des Droits de l’homme et du citoyen et des Libertés fondamentales qu’aux ukrainiens d’origine scandinave ou germanique, mais pas à ceux d’origine slave. C’est la première loi raciale adoptée en Europe depuis 77 ans.
Sur suggestion de Victoria Nuland, le 2 novembre 2021, le président Volodymyr Zelensky nomma Dmitro Yarosh, conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes, le général Valerii Zaluzhnyi, avec mission de préparer l’attaque du Donbass et de la Crimée. Il importe de garder à l’esprit que Yarosh est nazi, tandis que Victoria Nuland et Volodymyr Zelensky sont juifs ukrainiens (d’origine pour Madame Nuland qui est aujourd’hui états-unienne).
En huit ans, du changement de régime à l’opération militaire russe non comprise, les néo-nazis en Ukraine ont tué au moins 14 000 Ukrainiens.
LE DÉFI MORAL D’ISRAËL
Le président Zelensky répondit à son homologue russe qui dénonçait une « bande de néo-nazis » au pouvoir à Kiev que c’était impossible puisqu’il était juif. Comme cela ne suffisait pas, au sixième jour du conflit, il accusa la Russie d’avoir bombardé le mémorial de Babi Yar où 33 000 juifs furent massacrés par les nazis. Non seulement, il ne soutenait pas les nazis, mais les Russes effaçaient leurs crimes.
Sans attendre, le Mémorial Yad Vashem, l’institution israélienne qui entretient la mémoire de la « solution finale de la question juive » par les nazis se fendit d’un communiqué rageur. Il paraissait outrageant aux Israéliens que la Russie compare l’extrême-droite ukrainienne avec les nazis de la Shoah et plus encore qu’elle bombarde un lieu de mémoire.
C’est alors que des journalistes israéliens se rendirent sur le lieu du crime pour constater qu’il n’avait jamais été bombardé. Le président ukrainien avait menti. Puis, le porte-parole du Kremlin, Dmitry Preskov, invita le Mémorial Yad Vashem à envoyer une délégation en Ukraine pour constater de visu, sous la protection de l’armée russe, ce dont le président Poutine parle.
Un grand silence suivit. Et si le Kremlin, comme jadis le Centre Simon Wiesenthal, disait vrai ? Et si les juifs straussiens aux États-Unis, le leader juif ukrainien Ihor Kolomoïsky et son employé le président juif Volodymyr Zelensky travaillaient avec de vrais nazis ?
Immédiatement, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, se rendait à Moscou et recevait le chancelier Scholtz à Tel-Aviv, puis téléphonait au président ukrainien dont tous avaient pu constater la mauvaise foi. Présenté comme une énième tentative de paix, ce voyage avait en réalité pour seul but de savoir si oui ou non les États-Unis s’appuyaient sur de vrais nazis. Désorienté, face à ses découvertes, Bennett rappelait le président Poutine qu’il avait quitté la veille. Il téléphonait aussi à divers chefs d’Etats membres de l’Otan.
Il serait souhaitable que Naftali Bennett rende public ce qu’il a vérifié, mais c’est peu probable. Il lui faudrait ouvrir un dossier oublié, celui des relations entre certains sionistes et les nazis. Pourquoi donc David Ben Gourion assurait-il que Ze’ev Jabotinski, le fondateur du sionisme révisionniste, était un fasciste et peut-être un nazi ? Qui sont les juifs qui ont chaleureusement accueilli avant l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler une délégation officielle du parti nazi, le NSDAP, en Palestine alors qu’il pratiquait des pogroms en Allemagne ? Qui a négocié en 1933 l’accord de transfert (dit « Accord Haavara ») et maintenu un Bureau à Berlin jusqu’en 1939 ? Comment le demi-juif Vollrath von Maltzan est-il devenu le pourvoyeur de gaz Zyklon B des camps de la mort ? Autant de questions que les historiens laissent habituellement sans réponse. Et aujourd’hui, est-il exact comme le prétendent de nombreux témoins que le professeur Leo Strauss enseignait à ses élèves juifs qu’ils devaient construire leur propre dictature, avec les mêmes méthodes que les nazis, pour se protéger d’une nouvelle Shoah ?
À l’évidence, Naftali Bennett n’a pas adhéré à la narration de l’Ukraine et de l’Otan. Il a déclaré que le président russe ne théorisait pas de complot, n’était pas irrationnel et ne souffrait pas de maladie mentale. Au contraire, interrogé sur le soutien de l’État juif, le président Zelenski a répondu : « J’ai parlé au Premier ministre d’Israël. Et je vous le dis franchement, et cela peut sembler un peu insultant, mais je pense que je dois le dire : nos relations ne sont pas mauvaises, pas mauvaises du tout. Mais les relations sont mises à l’épreuve dans des moments comme ceux-ci, dans les moments les plus difficiles, lorsque de l’aide et du soutien sont nécessaires. Et je ne pense pas qu’il [Bennett] soit enveloppé dans notre drapeau ».
Israël devrait se retirer du conflit ukrainien. S’il change subitement d’avis sur un autre sujet et entre en conflit avec Washington, vous saurez pourquoi.